mercredi 12 novembre 2014

Sundborn ou les jours de lumière - Philippe Delerm

Dimanche 14 août 2010




Il y a quelques mois, j'ai lu "Les femmes qui lisent sont dangereuses", de Laure Adler et Stephan Bollmann. Ce livre, que je qualifierai d'ailleurs plutôt d'album ou de "beau livre" raconte, au fil des siècles, l'histoire et l'évolution des femmes, à travers leur apprentissage et accès à la lecture, traite de leur rapport aux livres, de leur façon de lire et comment elles ont su s'émanciper et nouer une relation singulière avec la lecture. Ce livre est donc une belle étude du sujet et les auteurs se sont appuyés, pour leur démonstration, de références imagées sous forme de photographies et de reprographie de tableaux de peintres. C'est ce qui m'a également touchée dans la lecture de ce livre : découvrir que de nombreux peintres avaient immortalisé le duo "femme-livre", découvrir simplement de très belles oeuvres. Certaines d'entre elles m'ont tellement plu que j'en ai noté les titres et artistes dans mon petit carnet de culture que je trimballe partout avec moi ! 

Il y a quelques jours, j'ai lu un livre de Philippe Delerm que je ne connaissais pas et qui m'a surpris car habituellement, les livres de Philippe Delerm sont plutôt des romans contemporains. Celui-ci, "Sundborn ou les jours de lumière" raconte l'épopée de peintres impressionnistes scandinaves à la fin des années 1800. J'ai trouvé ce roman doux, poétique et tout en couleurs, à l'image des peintres dont il traitait. Les mots de Philippe Delerm glissent sous les yeux et se boivent comme un délicieux sirop, sa façon d'écrire vous fait plonger complètement dans son histoire, oubliant tout ce qui se passe autour... Vers la fin du livre, un passage m'a saisie ! L'auteur décrivait une scène qu'il me semblait déjà connaître... j'imaginais d'ailleurs parfaitement ce qu'il décrivait ! Voici ce passage : 

"C'est le début d'après-midi. Bien après le déjeuner, quand toute agitation est retombée. C'est l'heure où l'on écrit des lettres, dans la fraîcheur d'une chambre, l'heure où les vieux s'assoupissent dans leurs fauteuils, l'heure de rien. A l'ombre des noisetiers, deux chaises longues au tissu blanc cassé. L'une est restée inoccupée. Dans l'autre, Marie lit un journal. La chaise n'a pas d'accoudoir, et la position de la jeune femme hésite entre tension et abandon. L'ampleur de sa robe blanche n'empêche pas de voir que sa jambe gauche est croisée au-dessus de la droite ; son pied s'agite doucement, effleure l'oreille de Rap, le setter irlandais couché à ses pieds. Marie ne tient pas le journal, posé en équilibre arrondi le long de sa cuisse. Sa nuque penchée en avant, tout le haut de son dos détaché de la toile, indiquent une lecture active, concentrée. Le langage parlé par ses bras est plus contradictoire. Tandis que sa main droite, nonchalamment posée sur sa taille, semble traduire une certaine désinvolture, sa main gauche, allongée sur sa poitrine, exprimerait presque une émotion venue de la lecture. Une branche du rosier buissonnant dessine une arche au-dessus des deux chaises longues. C'est là que nous sommes assis, dans l'herbe, Soren et moi ; à quelques mètres de Marie, dans l'ombre du rosier. Les fleurs blanches, à peine rosées, n'ont pas d'odeur, mais leur foisonnement le long des vieilles branches entremêlées n'en paraît que plus magique - ce ne sont pas vraiment des fleurs." 

La lecture de ce passage ne vous fait-il pas penser à l'image que j'ai mis en illustration de mon article ? Pour moi, ce fut flagrant ! J'ai donc relu la quatrième de couverture de Sundborn ou les jours de lumière, et celle-ci disait que [le livre] "met en scène des personnages réels et romanesques". J'ai sorti mon petit carnet pour voir la référence de la peinture : "Roseraie (la femme du peintre dans son jardin de Skagen)" de Peter Severin Kroyer, 1893. Or, le personnage du livre de Philippe Delerm se prénomme Soren Kroyer et est originaire de Skagen, au Danemark... Le rapprochement était donc juste : la scène que décrivait Philippe Delerm, correspondait bel et bien au tableau que j'avais tant aimé ! Curieusement, lorsque j'avais vu cette reprographie de tableau pour la première fois, je voyais en cette jeune femme, le portrait de Karen Blixen qui était danoise. Je l'imaginais ainsi, soit dans son jardin du Danemark, soit dans sa ferme africaine au Kenya... et j'ai donc appris à la lecture du livre, que la scène se passait bel et bien au Danemark... Au final, j'ai été troublée par le fait de découvrir que l'auteur d'une peinture qui me plait énormément soit un des personnages centraux d'un livre de Philippe Delerm, mon écrivain favori...

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