Il y a
quelques mois, j'ai lu "Les femmes qui lisent sont dangereuses", de
Laure Adler et Stephan Bollmann. Ce livre, que je qualifierai d'ailleurs plutôt
d'album ou de "beau livre" raconte, au fil des siècles, l'histoire et
l'évolution des femmes, à travers leur apprentissage et accès à la lecture,
traite de leur rapport aux livres, de leur façon de lire et comment elles ont
su s'émanciper et nouer une relation singulière avec la lecture. Ce livre est
donc une belle étude du sujet et les auteurs se sont appuyés, pour leur
démonstration, de références imagées sous forme de photographies et de
reprographie de tableaux de peintres. C'est ce qui m'a également touchée dans
la lecture de ce livre : découvrir que de nombreux peintres avaient immortalisé
le duo "femme-livre", découvrir simplement de très belles oeuvres.
Certaines d'entre elles m'ont tellement plu que j'en ai noté les titres et
artistes dans mon petit carnet de culture que je trimballe partout avec moi !
Il y a quelques jours, j'ai lu un livre de Philippe Delerm que je ne
connaissais pas et qui m'a surpris car habituellement, les livres de Philippe
Delerm sont plutôt des romans contemporains. Celui-ci, "Sundborn ou les
jours de lumière" raconte l'épopée de peintres impressionnistes scandinaves
à la fin des années 1800. J'ai trouvé ce roman doux, poétique et tout en
couleurs, à l'image des peintres dont il traitait. Les mots de Philippe Delerm
glissent sous les yeux et se boivent comme un délicieux sirop, sa façon
d'écrire vous fait plonger complètement dans son histoire, oubliant tout ce qui
se passe autour... Vers la fin du livre, un passage m'a saisie ! L'auteur
décrivait une scène qu'il me semblait déjà connaître... j'imaginais d'ailleurs
parfaitement ce qu'il décrivait ! Voici ce passage :
"C'est le début
d'après-midi. Bien après le déjeuner, quand toute agitation est retombée. C'est
l'heure où l'on écrit des lettres, dans la fraîcheur d'une chambre, l'heure où
les vieux s'assoupissent dans leurs fauteuils, l'heure de rien. A l'ombre des
noisetiers, deux chaises longues au tissu blanc cassé. L'une est restée
inoccupée. Dans l'autre, Marie lit un journal. La chaise n'a pas d'accoudoir,
et la position de la jeune femme hésite entre tension et abandon. L'ampleur de
sa robe blanche n'empêche pas de voir que sa jambe gauche est croisée au-dessus
de la droite ; son pied s'agite doucement, effleure l'oreille de Rap, le setter
irlandais couché à ses pieds. Marie ne tient pas le journal, posé en équilibre
arrondi le long de sa cuisse. Sa nuque penchée en avant, tout le haut de son
dos détaché de la toile, indiquent une lecture active, concentrée. Le langage
parlé par ses bras est plus contradictoire. Tandis que sa main droite,
nonchalamment posée sur sa taille, semble traduire une certaine désinvolture, sa
main gauche, allongée sur sa poitrine, exprimerait presque une émotion venue de
la lecture. Une branche du rosier buissonnant dessine une arche au-dessus des
deux chaises longues. C'est là que nous sommes assis, dans l'herbe, Soren et
moi ; à quelques mètres de Marie, dans l'ombre du rosier. Les fleurs blanches,
à peine rosées, n'ont pas d'odeur, mais leur foisonnement le long des vieilles
branches entremêlées n'en paraît que plus magique - ce ne sont pas vraiment des
fleurs."
La lecture de ce passage ne vous fait-il pas penser à l'image que
j'ai mis en illustration de mon article ? Pour moi, ce fut flagrant ! J'ai donc
relu la quatrième de couverture de Sundborn ou les jours de lumière, et
celle-ci disait que [le livre] "met en scène des personnages réels et romanesques".
J'ai sorti mon petit carnet pour voir la référence de la peinture :
"Roseraie (la femme du peintre dans son jardin de Skagen)" de Peter
Severin Kroyer, 1893. Or, le personnage du livre de Philippe Delerm se prénomme
Soren Kroyer et est originaire de Skagen, au Danemark... Le rapprochement était
donc juste : la scène que décrivait Philippe Delerm, correspondait bel et bien
au tableau que j'avais tant aimé ! Curieusement, lorsque j'avais vu cette
reprographie de tableau pour la première fois, je voyais en cette jeune femme,
le portrait de Karen Blixen qui était danoise. Je l'imaginais ainsi, soit dans
son jardin du Danemark, soit dans sa ferme africaine au Kenya... et j'ai donc
appris à la lecture du livre, que la scène se passait bel et bien au Danemark...
Au final, j'ai été troublée par le fait de découvrir que l'auteur d'une
peinture qui me plait énormément soit un des personnages centraux d'un livre de
Philippe Delerm, mon écrivain favori...
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