vendredi 28 novembre 2014

Mécanismes de survie en milieu hostile - Olivia Rosenthal



Quel étrange roman que celui-ci.... Mais d'ailleurs, est-ce un roman ? Un récit ? Un recueil de témoignages ? Olivia Rosenthal laisse à son lecteur le soin de rentrer dans l'histoire et de se l'approprier à sa manière. Lecteur qui, comme moi certainement, se demandera dans quel monde on navigue et où on va ! L'histoire commence par ce que l'on pense être une traque : la narratrice (une jeune fille ?) abandonne dans un fossé, sa compagne de route (soeur ? amie ?... blessée ? mourante ?) pour pouvoir poursuivre sa fuite sans entrave. Est-on dans un cauchemar ? Dans la réalité ? Sans indication de temps ni de lieu géographique, on chemine avec cette jeune fille et l'histoire qu'elle nous conte. Traquée, cachée, apeurée puis sûre d'elle, invisible puis se livrant au grand jour elle semble nous accompagner sur l'étrange chemin de la lisière de la vie...

Un peu perplexe au départ, j'ai poursuivi ma lecture pour essayer de comprendre où la narratrice voulait m'emmener. Ce qui m'a permis de poursuivre ma route avec elle, c'est la construction du récit qui a aiguisé ma curiosité : Olivia Rosenthal insère, tout au long du livre, de courts paragraphes relatant soit des témoignages de personnes ayant vécu une Expérience de Mort Imminente, soit des informations scientifiques ou policières relatives à la thanatologie, à la médecine légiste ou encore au mécanisme de décomposition d'un corps. Cela paraît glauque mais curieusement, j'ai trouvé que ces considérations factuelles donnaient de l'énergie et de l'intérêt au récit et me mettaient sur la voie du dénouement, me permettant de détisser l'écheveau du mystère.

Au final, il s'agit du récit troublant du rapport au deuil et du mutisme, de la culpabilité, de l'incompréhension et du manque qu'il peut engendrer pour finalement laisser la place à l'apaisement quand on réalise, comme les témoignages de mort imminente qui ponctuent le récit le soulignent, que la mort n'est pas une épreuve si terrible pour celui qui la vit puisque l'organisme humain est capable de mettre en place un mécanisme chimique permet d'adoucir la fin. Et c'est cela que ceux qui restent doivent entendre afin de laisser ceux qui partent, s'engager sur le chemin qui est désormais le leur...
Un texte subtil et profond, à méditer !

samedi 22 novembre 2014

Just Kids - Patti Smith




Mars 1989. Robert Mapplethorpe, célèbre photographe d'art américain malade du sida, se meurt.

C'est par la disparition de celui qui aura fait un bout de chemin avec elle que débute le récit de Patti Smith. L'occasion pour la chanteuse, de revenir sur ses jeunes années à New York et de nous livrer dans un récit autobiographique, tout en douceur et en poésie, le début de sa relation avec Robert Mapplethorpe et leurs ascensions respectives dans le milieu de l'art.

1967. La jeune Patricia Smith, pétrie de la certitude que sa vie doit être consacrée à l'art et l'écriture quitte sa modeste famille du New Jersey pour partir à l'aventure dans le New York underground de la fin des années 60. Sans le sou, elle va d'abord vivoter comme elle le peut, glanant ici un repas, là un toit pour dormir avant de dégoter un petit boulot dans un magasin de bijoux ethniques. C'est là que son destin va croiser celui de Robert Mapplethorpe qui viendra acheter un collier que Patti rêve de pouvoir s'offrir et qu'elle admire tous les jours dans la boutique. Alors que Robert quitte la boutique avec le collier, Patti lui dira : "S'il te plait, ne l'offre à aucune autre fille que moi !"... C'est ainsi que leur histoire d'amour libre et passionnée verra le jour... Dès lors, Patti et Robert n'auront de cesse de tenter de percer dans le milieu de l'art qui leur est cher, Robert vouant une indéfectible admiration pour Andy Wharol et Patti pour la poésie d'Arthur Rimbaud. Leur route croisera celle de Janis Joplin, Jim Morisson, Allen Ginsberg et bien d'autres encore, principalement dans cet endroit qui fut le creuset de l'art et de la création et où se croisèrent des personnalités et destins mythiques : le Chelsea Hotel.

Ce récit de Patti Smith est d'une douce beauté : limpide, frais, innocent, tout en retenue et emprunt de poésie. L'histoire est touchante et permet de comprendre comment ces deux destins ont fini par percer dans le milieu artistique qui était cher à leur coeur.

J'ai été très touchée par cette histoire. Je savais que Patti Smith avait ce côté "poète", je savais qu'elle admirait Arthur Rimbaud et qu'elle avait eu une relation avec Robert Mapplethorpe, mais sa façon de le raconter est si douce qu'elle semble à des années lumière de la rock star qu'elle est ! 

Une très belle découverte littéraire, et je ne manquerai pas de me plonger rapidement dans "Glaneurs de rêves", recueil de textes sorti le 9 octobre dernier. Patti Smith sera d'ailleurs interviewée par François Busnel dans son émission La grande librairie du 27 novembre prochain.








Je ne peut qu'illustrer musicalement cet article par cette très belle version live de "Chelsea Hotel" de Leonard Cohen, même si son song s'adresse à Janis Joplin et pas à Patti Smith....





vendredi 21 novembre 2014

Quel est le livre qui a changé votre vie ?




Le Petit Prince est le premier livre que j'ai eu entre les mains avant même de savoir lire, mais quand même capable de comprendre ce qu'était un livre et capable de feuilleter avec soin et attention ! 

Ce livre avait auparavant été intensément lu et regardé par ma grande soeur, puis par mon grand frère, il est donc le symbole d'une vraie transmission littéraire. Il s'agissait d'un grand format aux pages assez épaisses. A l'époque, je ne savais donc pas encore lire mais j'aimais à en tourner les pages et regarder les illustrations qui me faisaient rêver et faisaient travailler mon imagination. Il fut ma première lecture quand j'ai enfin été capable de déchiffrer les mots, et il a continué à me faire rêver tout au long de ma vie. 

J'ai depuis acquis un exemplaire neuf, mais le volume initial, celui de mon enfance, bien usé, aux pages bien jaunies et un peu cornées, à la couverture défraîchie et à cette fabuleuse odeur de vieux papier, est toujours dans la bibliothèque de ma chambre d'enfant, dans la maison familiale ! 

Il a marqué ma vie car c'est précisément ce livre qui m'a fait aimer la lecture, qui m'a fait aimer l'objet qu'est un livre et surtout, qui a développé mon aptitude à m'évader par la lecture et à rêver...

mercredi 19 novembre 2014

Le rêveur - Pam Munoz Ryan

Mercredi 5 novembre 2014



Le rêveur, de Pam Munoz Ryan se lit comme un magnifique conte ! Répertorié dans la catégorie littérature ado, je me suis dit, à la lecture du début du livre, que de plus jeunes enfants pouvaient tout à fait le lire, voire se le faire lire par leurs parents, toutefois, la fin est peut-être un peu plus complexe pour de jeunes enfants... 

Neftali, jeune chilien malingre et solitaire, vit avec son père, un homme dur et intransigeant, sa belle-mère, douce et aimante et sa petite soeur dont il est proche et qu'il protège. Son grand frère a déjà quitté le foyer familial pour vivre de ses propres ailes. Neftali est un petit garçon rêveur et imaginatif qui aime la lecture, surtout la poésie, et dont le passe-temps favori est de collectionner toutes les petites choses qu'il peut trouver : plumes, pommes de pin, cailloux... Mais Neftali est un grand timide qui souffre de bégaiement et qui craint la rudesse et l'autorité paternelle. Son père n'accepte en effet pas du tout que son jeune fils ait la tête dans les étoiles et rêve de devenir écrivain. Alors, Neftali se réfugie dans ses rêves, dans son monde, et couche ses histoires sur le papier, en cachette... il n'a que faire de devenir un garçon robuste qui deviendrait chirurgien ou médecin comme le souhaite son père. L'histoire va nous transporter au fil de l'enfance de ce petit garçon attachant et de ses petits secrets et nous permettre d'assister à son évolution, sa transformation sur le chemin de l'assurance et de la confiance en soi, son envol vers la liberté et la réalisation de ses rêves... La fin du livre est surprenante et extrêmement émouvante puisqu'on y apprend que l'histoire de ce petit garçon n'est autre que...... 

Attention, spoiler, ne lisez pas la suite si vous ne souhaitez pas connaître la chute ! ......... 


.............l'enfance romancée de l'immense poète Pablo Neruda ! 

Extraits : 
"Lecteur, ce livre est pour toi. Va te promener dans cet espace infini qui se situe entre l'âme et le firmament. Je t'y attends." 

"Je suis la poésie encerclant le rêveur. Toujours présente, je capture l'esprit, je dompte le stylo et deviens la brise qui souffle sur l'unique chemin de l'écrivain." 

"Neftali ouvrit le tiroir du bas, souleva son mouton en peluche et sortit l'un des cahiers qu'il gardait tout au fond. Le clair de lune lui offrait juste assez de lumière pour qu'il puisse coucher ses impressions du jour sur le papier. Il remit ensuite le cahier et son mouton protecteur en place, puis se glissa dans son lit. Peu après, les mots qu'il venait d'écrire se tortillèrent pour s'arracher des pages. Ils s'échappèrent ensuite du tiroir, et les lettres qui les composaient s'empilèrent les unes sur les autres, formant des tours majestueuses qui s'érigèrent autour de Neftali, telle une cité pleine de promesses."

La faiseuse d'anges – Camilla Läckberg

Dimanche 26 octobre 2014




Après l'engouement des premiers épisodes des aventures d'Erica et Patrick, je m'étais un peu lassée lors des deux derniers opus de Camilla Läckberg, "La sirène" et "Le gardien de phare". Intrigues sympas et personnages attachants certes, mais une écriture et une forme du roman qui devenaient trop répétitives et prévisibles. Eh bien l'engouement est revenu à la lecture du dernier tome "La faiseuse d'anges" ! J'étais restée sur ma faim lors du tome précédent qui se terminait de manière un peu tragique. 

Sans en dévoiler trop : étaient-elles mortes ? Avaient-elles survécu ? Bref, j'ai retrouvé avec plaisir Erica, Anna, Paula, Annika, Patrick, Martin, Bertil... dans une énigme parfaitement ficelée mettant en scène une mystérieuse disparition dans un pensionnat insulaire. L'équipe du commissariat de Tanumshede va bien entendu se charger de l'enquête et Erica ne manquera pas d'y mettre son petit nez d'écrivain ! J'ai donc passé un bon moment avec ce roman que j'ai dévoré en quelques jours et dont l'intrigue est palpitante, ne nous laissant découvrir le dénouement que dans les toutes dernières pages ! 

Si vous aimez les enquêtes suédoises mêlant passé et présent et alternant affaires judiciaires, instants de vie privée, élucidations de meurtres, et si vous avez en vie de passer de bons moments d'interrogation, je vous conseille la lecture des livres de Camilla Läckberg, vous vous attacherez forcément aux personnages qui reviennent dans chaque tome et vous vous piquerez de curiosité pour le déroulement des enquêtes sans manquer de vous interroger sur le lien qui peut bien exister entre l'alternance des chapitres sur le passé et des chapitres sur le présent ! Un petit conseil cependant, même si chaque histoire de meurtre est indépendante et n'a rien à voir avec les épisodes précédents, je vous conseille tout de même de lire les polars de Camilla Läckberg dans leur ordre de publication car les personnages principaux que l'on retrouve à chaque épisode ont leur histoire, leur vie de famille et leur évolution qu'il est intéressant de connaître, et l'on prend plaisir à les retrouver au fil des histoires !

Voici donc l'ordre de publication : 
- La princesse des glaces 
- Le prédicateur 
- Le tailleur de pierre 
- L'oiseau de mauvais augure 
- L'enfant allemand 
- La sirène 
- Le gardien de phare 
- La faiseuse d'anges 

Au passage, on apprécie toujours la beauté des illustrations de couverture :





L'incroyable histoire de Wheeler Burden – Selden Edwards

Mardi 30 septembre 2014




Comment résumer l'essentiel de ce livre sans en dévoiler trop ? Ce livre m'a d'ailleurs tellement enthousiasmée, tellement transportée, qu'à chaque pas de plus dans l'histoire, je ne pouvais m'empêcher d'en raconter les évolutions et les rebondissements à un entourage qui n'aura plus aucune surprise s'il lui prend un jour l'envie de le lire !!! 

Avant toute chose, il faut savoir que ce livre se lit comme on verrait un film. Au fil de ma lecture, je voyais des images en cinémascope, je refaisais les décors, les costumes, la musique, je voyais même les acteurs idéaux pour incarner les personnages principaux de cette histoire ! Bref, cette histoire vive et truculente à souhait, mêlant Histoire, Arts, Littérature, Musique et mélangeant le comique et le dramatique fut un enchantement de détente. Je vous en conseille donc la lecture, d'autant plus qu'une intrigue particulièrement croustillante s'en mêle ! J'espère que mon accroche vous aura séduit(e)s, et je vais donc m'efforcer de vous en faire une petite synthèse qui ne dévoilera rien du mystère.

Wheeler Burden, citoyen californien des années 80, n'est pas qu'une célèbre rock-star : il est également fils de héros de la Seconde Guerre Mondiale mort en martyre dont il a suivi les pas à la célèbre institution St Gregory, sous la protection de son mentor, le fameux Professeur Haze, puis à Harvard où il s'est brillamment illustré dans son équipe de base-ball grâce à une technique imparable inventée par lui. Un jour, par il ne sait quel miracle ou malédiction, le voilà catapulté dans la Vienne impériale de 1897 ! Tout en essayant de trouver comment cet étrange voyage dans le temps a pu se réaliser, il va rapidement s'adapter à sa nouvelle vie, grâce aux précieux enseignements du Professeur Haze qui n'eut de cesse, durant ses années d'enseignement à St Greg', d'inculquer à ses ouailles la culture, la géographie, l'histoire viennoises... Un peu désoeuvré cependant dans cet univers où il aura besoin d'aide, il décide de frapper à la porte de Sigmund Freud pour quémander le gîte. Son chemin ne fera pas que croiser celui du tout jeune inventeur de la psychanalyse (auquel Wheeler ne manquera pas de faire quelques remarques sur la véracité de ses théories), il rencontrera au cours de ses pérégrinations, quelques personnages familiaux et historiques (et c'est là que je ne précise pas plus !) qui risqueraient bien de changer le cours de l'histoire ! Tentant quand on sait que son père est mort torturé par les nazis et que le jeune Adolf Hitler, alors âgé de 8 ans, n'habite qu'à quelques lieues de Vienne... De rebondissement en rebondissement, de découvertes en aveux, Wheeler va nous faire partager son incroyable voyage, son incroyable histoire à travers le temps et l'Histoire.... 

Pour info, l'auteur de ce livre est Selden Edwards, Professeur californien qui a là, publié son premier roman après 30 années de travail !

Un thé pour Yumiko – Fumio Obata

Jeudi 11 septembre 2014



Yumiko, jeune femme d'origine japonaise est graphiste à Londres depuis..... oh, elle ne compte plus les années et montre le visage d'une femme parfaitement intégrée, heureuse dans son travail et en amour. Elle semble malgré tout nostalgique à l'évocation de son pays natal. Un coup de fil inattendu lui apprend la mort brutale de son père. Yumiko va retourner "chez elle" pour les obsèques de son père et ce triste séjour sera pour elle l'occasion d'une introspection et d'une réflexion forte sur les origines, la famille et le deuil. Au fil des pages, elle va revenir sur son passé, sur le souvenir de son père, sur sa jeunesse, mais elle vivra également le présent de manière intense, presqu'en quête de son identité, de ses racines. Ce voyage sera également pour Yumiko l'occasion de revoir sa mère, femme libre, divorcée et intellectuelle qui, quelque part, permettra à Yumiko d'être confortée dans ses choix de vie... 

Voici une jolie histoire touchante sur l'identité, la famille et la perte d'un proche. Cette histoire a résonné en moi car, comme Yumiko, je vis loin de mes racines et de mes proches (bien moins loin qu'elle certes, mais loin quand même), et j'ai perdu mon Papa sans avoir pu lui dire au-revoir, sans avoir pu lui parler une dernière fois... J'y pense souvent, et, même si je suis heureuse ici, je suis très souvent nostalgique d'être loin des miens et de ma terre bretonne, c'est comme une petite épine dans le coeur, un manque récurrent... On dit que les vrais bretons ont de l'eau salée qui coule dans leurs veines, eh bien l'eau de mes veines remonte de temps en temps vers mes yeux...