dimanche 16 novembre 2014

Les insurrections singulières - Jeanne Benameur

Lundi 3 février 2014




Au seuil de la quarantaine, en pleine rupture amoureuse et alors que l'usine dans laquelle il travaille licencie et délocalise à tout va, Antoine retourne chez ses parents pour quelques jours. Entre rupture, lutte et rébellion, ce court séjour sera pour lui l'occasion de faire le point sur sa vie, sur ses rêves (ses "non-rêves" plutôt), ses envies, ses doutes... En pleine introspection et questionnement sur l'utilité et le but de sa vie, sa petite vie médiocre de classe ouvrière, il va rencontrer Marcel, vendeur de livres sur un marché. Cette rencontre va bouleverser sa vie et l'entraîner sur une pente qu'il était loin d'imaginer : et s'il plaquait tout, là, maintenant, comme ça ? S'il faisait un peu le point sur ce qu'est véritablement son existence et surtout sur ce qu'il voudrait qu'elle soit. Quel est l'intérêt de se lever aux aurores tous les matins pour aller à l'usine faire chaque jour les mêmes gestes ? Pourquoi se tuer à la tâche pour les patrons, les actionnaires qui, d'un claquement de doigts peuvent faire basculer votre vie ? Et puis c'est quoi "réussir sa vie" ? Est-ce, comme son frère Loïc faire de belles études et devenir enseignant, transmettre le savoir aux enfants ? Est-ce se marier, avoir des enfants ? Est-ce réaliser les rêves de ses parents ? Et si "réussir sa vie", c'était simplement vivre en harmonie avec soi-même, se réaliser ? 

Voici un beau roman initiatique sur la vie d'un homme en proie aux doutes, en quête de liberté et à un carrefour essentiel de sa vie. C'est l'histoire d'une découverte de soi, c'est l'histoire d'une renaissance, d'une naissance, tout simplement. C'est poignant, touchant, bouleversant. La première partie du roman est un peu sombre, triste, on assiste à une sorte "d'errance psychologique" du personnage (cela m'a un peu rappelé "Les lisières" d'Olivier Adam), puis tout à coup, l'histoire s'accélère et s'illumine petit à petit jusqu'à la la clarté finale ! 

Extraits : 
"Je voudrais prendre le temps de demander à tous ceux que j'ai vus ici "C'était quoi votre rêve quand vous étiez môme ?" Juste pour savoir. Pour entendre de belles choses. Parce que je suis sûr que des rêves, ils en avaient. Il n'y a pas que moi, bon Dieu. C'est pas parce qu'on fait tous les jours des gestes simples, toujours les mêmes, que dans la tête il ne se passe pas des choses complexes. Les rêves c'est complexe. Ca vous envoie là où vous ne devriez jamais mettre les pieds. Les ouvriers, on a tort de croire qu'ils ne rêvent que du dernier écran de télé ou du barbecue sur la terrasse du pavillon. J'ai côtoyé ici des gens qui avaient des rêves de fou, ils n'en parlaient pas, c'est tout. J'en suis sûr. 

"Oui, ça fait peur, le temps mort. Pourtant c'est dans ce temps-là, où en apparence il ne se passe rien, que tant de choses en nous se ramassent, pour prendre forme... Regarde, si tu n'étais pas parti te morfondre au bord de la mer, tu serais là aujourd'hui ? Le temps mort, là-bas tout seul, tu l'as supporté. Aujourd'hui tu es ici." 

"Vous êtes sur votre route ! ça se voit ! personne ne peut plus vous arrêter avec des balivernes. C'est difficile, une route, et douter, c'est pas mal non plus. Ils me fatiguent, les gens trop sûrs d'eux... mais vous, vous êtes assez intelligente pour douter. Ne vous laissez pas tirer en arrière, mon petit. On n'a pas l'éternité devant nous. Juste là vie."

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