Dans la province de l'après-mai 68, à la faveur
de sa première expérience amoureuse, Judith, 17 ans, étudiante en première
année de lettres, nous fait part, à travers sa rencontre avec Alain, jeune
militant, de sa soif de liberté et de son aspiration à revendiquer ses droits.
Par une introspection personnelle sur ses souvenirs d'enfance, elle revient sur
sa douloureuse condition familiale sous la coupe d'un père méprisant et violent
et d'une mère et une soeur soumises à sa tyrannie. Lors d'un dîner familial,
alors qu'elle avait quinze ans, Judith, extrêmement choquée par les paroles que
son père prononça, "Et depuis quand on fait ce qu'on veut dans la vie
?", affirmation, plus que question, Judith n'aura de cesse de vouloir
conquérir son indépendance et de mener sa vie comme elle l'entend, de faire des
études et de travailler, plutôt que de devenir une épouse docile. Et c'est donc
par le biais des études et de la fac qu'elle va découvrir le bonheur de la vie
en solitaire, les relations avec les autres jeunes, la lutte des classes,
l'action politique, mais surtout la force de l'amour, l'amour, cette chose à
laquelle elle ne s'était jamais préoccupée avant et qu'elle découvre avec toute
la candeur d'une jeune fille rêveuse...
Judith, à la fois rêveuse solitaire et
jeune fille aux pieds sur terre tisse son entrée dans la vie en confrontant son
histoire personnelle à celle qui est en train de se nouer pour les étudiants,
les jeunes, les citoyens des années 70, mêlant littérature, politique et
courant libertaire qui permirent l'accès à l'émancipation. En devenant ainsi
"adulte", elle part à la quête de la vérité et lance une lutte contre
la soumission dans le but d'affronter enfin une famille sclérosée par les
non-dits...
Jeanne Benameur m'a encore transportée avec son écriture poétique
et sa prose magnifique. Sa manière de décrire à la fois simplement mais avec
force, les sentiments humains, m'a encore émue. Au-delà de la beauté de
l'écriture, l'histoire m'a forcément beaucoup touchée puisque touchant à la
fois à la condition féminine, à la lutte pour la liberté et à la juste
revendication. L'histoire m'a en outre rappelée le film "La chinoise"
de Jean-Luc Godard : j'ai retrouvé le personnage joué par Anne Wiasemsky dans
celui de Judith ! Ah, j'oubliais : j'ai beaucoup aimé la narration, la
ponctuation (beaucoup de très courtes phrases mais qui en disent long) et la
répétition des mots ("vite vite vite", "léger léger léger",
"loin loin loin", "fine fine fine"...)
Morceaux choisis
(j'ai du me restreindre pour éviter de vous citer des passages qui en diraient
trop sur le dénouement !) :
"J'ai mis des galets bien plats, bien lourds,
aux quatre coins de mon univers. Pour le tenir. J'ai peur de ce qui s'enfonce,
du sable qui peut s'ébouler sous mes pas et..."
"J'ai le coeur qui
flotte, heureux. J'ai la tête libre. Il y a du ciel, beaucoup, dans ma tête.
Quand sa bouche s'approche de la mienne, je suis toute vivante. Mon coeur il
est partout sur ma peau. ça palpite et ça vibre. Fort."
"Si je me
réveille la nuit, je sais que je peux replonger dans la lecture et que le
sommeil va me cueillir à nouveau, embarquée loin dans l'écriture d'autres que
moi et parfois ramenée si près de moi que j'en suis bouleversée, comme si le
livre n'était que pour moi. Je ne sais pas comment font les auteurs pour
arriver à ça mais c'est magnifique."
"Quand je vois ce qu'est devenue
aujourd'hui l'université je me dis que nous avions terriblement raison et que
nous étions lucides, oui, lucides. Nous croyions encore au partage du savoir, à
la culture pour chacun, à l'égalité des chances et nous sentions bien qu'un
tournant se prenait, qui n'allait pas mener vers des lendemains ouverts. La
promesse d'une vie éclairée nous portait."
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