Accompagnée de deux amis, Marie-Ange disperse dans la Loire les cendres de sa mère décédée...
"La copine murmure "y a plus moche comme sépulture". On rit, on pleure, serrées l'une contre l'autre sur ce pont de l'Europe. Ma mère, c'est fini."
Marie-Ange Guillaume va alors revenir sur l'histoire de ses parents, tous deux désormais disparus et sur sa propre histoire. C'est en découvrant des cahiers dans lesquels sa mère (et parfois même son père) a consigné plus ou moins régulièrement les faits marquants de sa vie que Marie-Ange se pique d'écrire à son tour l'histoire de cette famille atypique dans laquelle elle a grandit. Et c'est avec une sincérité touchante qu'elle livre sans fards l'histoire tout à fait personnelle de la relation de ses parents, de son enfance, son adolescence, saupoudrant le tout de ses propres souvenirs et plus particulièrement de la fin de vie de sa mère dont elle semble paradoxalement lointaine et pourtant si proche et aimante.
Ce livre émouvant nous plonge dans une étude quasi sociologique du milieu de l'auteure et aborde les relations mère-fille de manière extrêmement touchante. J'ai beaucoup aimé la construction du récit qui démarre et se termine par le décès de la maman... Un je ne sais quoi d'Annie Ernaux entre ces pages profondes et vives, une écriture tranchée et drôle malgré le sérieux du sujet... Une belle lecture !
Extrait :
"Tout le monde me suggérait de changer de genre. En résumé, ça disait : "Tu comprends cocotte, tu vends bien, surtout à tes copains et tu as beaucoup de copains, c'est vrai. Mais ça suffit pas, tes petites histoires au ras du bitume. Il faut t'ouvrir l'horizon, arrêter de te scanner le nombril. Ce qu'ils veulent, c'est un vampire qui fait son coming out dans un château venteux, ou un amour torride interrompu par une vacherie de cancer du côlon (celui qui est sympa quand on le prend à temps), ou un pavé de huit cents pages avec des écureuils dans le titre -mais c'est déjà pris-, ou, encore mieux, l'histoire d'une fille dans le coma kidnappée par son jules mais c'est déjà pris aussi par un mec qui vend quinze millions d'exemplaires dans le monde -ce qui prouve que ça marche, merde ! Alors barre-toi au bout du monde, trouve-toi un bungalow sous une saloperie de cocotier au bord du Pacifique, oublie tes petits machins et écris-le, ce putain de roman !" Voilà ce que ça disait, en gros. Donc, j'étais en train de ruminer une vague idée de roman sympa et fédérateur, sans pour autant envisager le déménagement sous les cocotiers, et puis voilà que ma mère s'en est allée."
Quant à la signification du titre, la quatrième de couverture l'explique très bien :
De son enfance, elle a tout oublié sauf la peur et l'ennui coriace. De
ses vingt ans, elle a tout oublié sauf son absence au monde. Elle a même
oublié Césarée, la ville en ruine qu'elle déclarait « inoubliable »
dans une lettre envoyée à sa mère. Elle a juste retenu le vers de
Racine, « Je demeurai longtemps errant dans Césarée ». Heureusement, sa
mère a écrit un journal où elle raconte ce qu'elles ont vécu ensemble,
avec et sans le père. Sa mémoire c'était sa mère, et elle vient de la
perdre...
Aucun souvenir de Césarée, Marie-Ange Guillaume
Le Passage, 190 pages
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