vendredi 30 octobre 2015

Camus, entre justice et mère - José Lenzini & Laurent Gnoni


Voici un beau roman graphique sur la biographie d'Albert Camus, de sa naissance en Algérie et son enfance à Alger, à sa carrière d'écrivain et son engagement littéraire et politique jusqu'à sa mort tragique en 1960.

Divisé en trois parties ayant toutes pour fil conducteur un extrait de son discours de Suède lors de la remise du Prix Nobel de Littérature en 1957, ce roman nous entraîne au fil de la vie du Grand Homme.
Couleurs douces et sobres, trait de crayon simple, tantôt phylactères tantôt récit, narration originale utilisant le tutoiement, il est plaisant de redécouvrir à travers cet ouvrage combien cet homme parti de rien devint, grâce à la confiance, l'enthousiasme et la persuasion de son instituteur, l'un des plus grands écrivains français.

A noter sur la couverture, ce petit sous-titre : "Entre justice et mère", rappelant à quel point Camus était un homme engagé et de tous les combats pour la défense et la justice, mais plaçant au-dessus de tout cela l'affection qu'il avait pour sa mère : "Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice".





jeudi 29 octobre 2015

De la papeterie aux couleurs de La Blanche !


Que c'est tentant tous ces carnets estampillés du célèbre sigle nrf, avec un large choix de titres empruntés à quelques auteurs publiés par la maison d'édition !
Je vais peut-être me laisser tenter par "Ecrire", "Carnets" ou "Souvenirs personnels"...

... Et j'entends déjà ma moitié penser à haute voix : "Et encore des carnets !"...



mardi 27 octobre 2015

Camille, mon envolée - Sophie Daull



Camille avait 16 ans, la fleur de l'adolescence, l'âge de tous les possibles, de tous les projets, de toutes les envies. L'âge de l'insouciance mais celui également où l'on commence à se responsabiliser et à s'intéresser aux choses des adultes...
Camille avait 16 ans et elle est morte l'avant-veille de Noël après un combat acharné contre un mal invisible et inconnu qui l'a emportée dans la souffrance. Un combat inégal, un mal qu'aucun médecin n'a pu/voulu voir, une simple fièvre, un simple état grippal disaient-ils en prescrivant une ordonnance de Doliprane...
Ce qui devait être l'aube de sa vie est devenu son crépuscule...

Désemparés face à l'indifférence médicale, ses parents vont veiller sur elle, l'accompagner, la soulager du mieux qu'ils peuvent dans l'espoir d'une guérison et essayant tant bien que mal de croire qu'il ne s'agit effectivement que d'une grosse fièvre.
Mais voilà, après 4 jours d'une lutte courageuse, Camille a rendu les armes, terrassée par ce mal étrange, et c'est sous les yeux horrifiés de sa maman, et sous les mains du personnel médical qui s'est enfin déplacé que son petit coeur de jeune fille en fleur a rendu l'âme.

Ce sont ces 4 jours d'incompréhension et de descente aux enfers, puis les jours suivants, jusqu'aux obsèques de "la ptite puce" que Sophie Daull, sa maman va raconter dans ces pages, sous une plume émouvante, pudique, sensible et sans pathos, mais également drôle, laissant dans le récit quelques petites trouées de sourires...  Pour ne pas oublier... Pour graver dans les mémoires le déroulé de ces jours insensés. 186 pages poignantes et terrifiantes mais belles et douces.
Un récit qui se lit d'une traite et fait couler quelques larmes, mais des larmes d'émotion.

Comment se relever, comment poursuivre la vie après une telle épreuve, celle de la perte d'un enfant, de son unique enfant ? Emportés par le tourbillon de la vie qui continue autour d'eux et parce qu'il faut penser à la suite (démarches administratives, autopsie, coups de téléphone, organisation des obsèques...), Sophie et son mari vont se soutenir, pleurer, crier, boire, se souvenir, accepter la colère, rire aussi, pour accompagner Camille dans sa dernière demeure.

J'ai relevé ces quelques passages que j'ai trouvés très beaux (mais j'aurais tout aussi bien pu recopier tout le livre, tant il est beau du début à la fin) :

"Je promets de forcer mes mots pour qu'ils échappent au sirop de deuil un peu gluant, poème pompeux, élégie larmoyante ; je vais inaugurer ton outre-vie avec une plume trempée dans ton regard quand il s'ouvrait grand : franc, droit, lumineux."

"J'essayais, de ne pas entendre la cruelle vérité de tes aïe aïe aïe. Jamais, je te promets, je n'ai soupçonné le moindre chiqué. Tout en moi chantait l'autre Camille, la chanteuse : "Je veux prendre ta douleur"... Je crois même qu'un jour, assise tout contre toi, les fesses sur ton oreiller, je te l'ai chantonnée."

"Les gens ont des phrases toutes faites tirées de leurs manuels de consolation...
Je ne veux pas être consolée.
Je vis la coupure, la vie tranchée. C'est tout."

"Pourquoi t'es partie mon chaton ? A quelle horreur future t'es-tu soustraite ?
Quand je vois ce qui attend ce monde de merde, entre trahison politique, catastrophe écologique et pauvreté de masse, je me dis que oui, on peut se dire que tu as été bien inspirée de quitter le navire..."

"[...] Nous n'avons pas de nom. Nous ne sommes ni veufs ni orphelins. Il n'existe pas de mot pour désigner celui ou celle qui a perdu son enfant. Je viens de faire un tour sur Internet : pas d'occurence dans le dictionnaire, ailleurs on propose des suggestions toutes aussi farfelues les unes que les autres... Un papa répond sur un forum : "Si, j'ai un nom : je suis un mort vivant."

"C'est comme si, après avoir avorté il y a longtemps d'un grand frère ou d'une grande soeur que tu n'as jamais eus, j'avortais maintenant de ton avenir, et que l'opération m'avait laissée sans vie sous les aiguilles de la faiseuse d'anges. Mon ange. Mon auréolée, tes ailes sciées, l'élan brisé."

"Ce sont des cuves clandestines où marinent encore d'impensables sorcelleries de chagrin et de sidération, d'épuisement, de vie trop ténue pour être souvenue, minuscules filaments tressés de larmes et de nausées."


Et puis une petite touche de sourire sous la détresse :

"C'est ce matin-là  [...] qu'il nous a prescrit cet antibiotique qui a fait faire pipi orange à papa. On lui a même demandé si "on pouvait réveillonner ?" ; on avait peur qu'il nous interdise de picoler..."


Camille, mon envolée - Sophie Daull
Editions Philippe Rey - 186 pages

dimanche 25 octobre 2015

Tous nos jours parfaits - Jennifer Niven




Violet Markey et Théodore Finch s'étaient jusqu'à présent vaguement croisés avant de se retrouver tous deux sur le toit du point culminant de leur lycée. Visiblement, le dessein de chacun semble clair. Finch en tout cas, est plongé dans ses réflexions quant à ce qu'il adviendrait de lui s'il se jetait d'une si grande hauteur. Quand il aperçoit la jeune fille tétanisée, il fait tout pour détourner son attention vers lui et l'empêcher de commettre l'irréparable. A son tour, Violet empêchera Finch de sauter. C'est à elle que reviendront les lauriers de l'héroïsme, les quelques témoins ayant assisté à la fin de la scène pensant en effet que c'est elle qui aura voulu sauver le jeune homme, connu pour être un peu tordu d'esprit et à tendance suicidaire.
Cette rencontre impromptue va bouleverser la vie des deux jeunes gens qui vont petit à petit se fréquenter, apprendre à se connaître, et surtout, se soutenir. Ces deux-là semblent déjà si jeunes, bien fracassés par la vie, et après avoir voulu en finir, feront tout reprendre goût à la vie et la croquer à pleine dents. Ainsi, Violet qui s'estime coupable de la mort de sa soeur près d'un an auparavant, va enfin, grâce à l'amitié puis à l'amour de Finch, combattre ses démons et renaître à la vie. A la faveur d'un travail d'exploration de l'Etat demandé par leur professeur de géographie, leurs liens vont se resserrer et ils n'auront de cesse de vivre intensément chaque petit bonheur afin d'en faire un jour parfait. Mais Finch est-il vraiment le jeune que Violet imagine ? Les autres au lycée, lui ont collé l'étiquette de "fêlé" et il est vrai que son comportement laisse parfois perplexe, tout comme ses virées et disparitions subites. Quand Finch disparaît réellement et ne répond plus aux messages de Violet, c'est tout son monde qui s'écroule...


Bien que la littérature "Young Adult" n'est habituellement pas vraiment ma tasse de thé, j'ai d'entrée de jeu été conquise et happée par l'histoire et séduite par la personnalité attachante des deux personnages, et intriguée par le dénouement qui m'attendait. On imagine effectivement rapidement que malgré son apparente décontraction, quelque chose cloche chez Finch. Quel secret cache-t-il quand il sous-entend à demi-mots qu'il faut vivre chaque instant comme le dernier ? Une maladie, des troubles psychiques ? Jennifer Niven dépeint avec douceur, beauté et tendresse, la violence des sentiments qui perturbe et bouleverse les adolescents, et aborde avec sensibilité le délicat sujet des tendances suicidaires chez les jeunes et des troubles bi-polaires.

Emouvant, avec un final d'une grande beauté...


"[...] La vraie raison, c'est que plus rien n'a d'importance à mes yeux [...]"
Elle fait un geste circulaire englobant le monde entier.
"Tout ça, ce n'est que du remplissage en attendant la mort".

"Que ton oeil rejoigne le soleil, ton âme le vent... Tu es toutes les couleurs en une, à leur maximum d'éclat".


Merci à Our pretty books pour cette lecture commune.


Tous nos jours parfaits - Jennifer Niven
Gallimard jeunesse - 380 pages

vendredi 23 octobre 2015

Belle Grande Librairie du 22 octobre 2015...

Bouleversante Sophie DAULL qui, avec extrêmement de pudeur, douceur et humilité, parle et écrit sur l'insoutenable...

Par les thèmes évoqués et leurs auteurs, La Grande Librairie d'hier soir fut particulièrement émouvante et j'ai personnellement été très touchée par la manière dont Sophie DAULL a parlé de son roman Camille, mon envolée, et par la douceur avec laquelle elle évoque la mort foudroyante de sa fille de 16 ans, en quelques jours et d'une fièvre inexpliquée. Cette pudeur et la beauté de son langage, des mots et expressions qu'elle utilise, m'ont bouleversée. 

Parler de la mort de son enfant sans pathos et sans colère est admirable.
Camille, mon envolée était dans ma Liste à Lire mais sans être une priorité. 

.... Depuis hier soir, elle l'est devenue et ce sera ma prochaine lecture, je suis allée l'acheter ce midi...



Extraits :

La semaine suivante, j'ai commencé à me laver du chagrin parce que j'ai la sensation qu'on était un peu comme des oiseaux mazoutés, complètement handicapés par cette poisse, ce sirop de douleur et de deuil qui nous empêchait simplement de relever un peu la tête, et j'ai eu un peu l'impression que l'écriture allait un peu laver nos plumes, nettoyer, redonner un peu de mouvement, un petit peu d'envol justement.

"Nous n'avons pas de nom, nous ne sommes ni veufs, ni orphelins, il n'existe pas de mot pour désigner celui ou celle qui a perdu un enfant. Je viens de faire un tour sur internet, pas d'occurrence dans le dictionnaire. Ailleurs, on propose des suggestions toutes aussi farfelues les unes que les autres, un papa répond sur un forum : "si, j'ai un nom... je suis un mort vivant"
En écrivant ça, je me mettais de l'autre côté de cette définition : je suis vivante, avec une morte qui est en moi maintenant, que je prolonge à ma façon, qui est ma jouvence éternelle aussi puisque je crois que j'aurai 16 ans pour toujours aussi.

...Apprendre à vivre avec nos morts, de faire cette petite danse avec nos fantômes qui sont protecteurs et qui sont sur nos épaules, et qui nous guident, et qui nous soufflent par leur voix, des choses qui nous font prendre de la hauteur et considérer la mort d'un point de vue un petit peu plus élevé que ce truc poisseux et paralysant

jeudi 22 octobre 2015

Nouvelle fonctionnalité




Un petit plus sur mon blog pour faciliter les recherches : vous pouvez désormais saisir un titre de livre ou le nom d'un écrivain dans le champ "recherche" à droite et le résultat de la recherche s'affiche en haut de blog.

Bonnes lectures !

dimanche 18 octobre 2015

Tea time tag...

Mon thé préféré : le Lapsang Souchong


English breakfast tea - Un livre que tout le monde t'a recommandé et que tu as donc fini par lire...
Franny and Zooey de Salinger et je ne l'ai pas regretté du tout ! Du coup, cela m'a donné envie, avant de lire les autres oeuvres de Salinger, de me plonger dans sa vie et j'ai beaucoup aimé Et devant moi, le monde de Joyce Maynard qui raconte sa relation avec Salinger. Dans ma LAL, il y a également Oona et Salinger de Frédéric Beigbeder et Mon année Salinger de Joanna Smith-Rakoff.

Earl Grey - Un livre sombre qui t'a laissé une forte impression même après l'avoir terminé...
Esprit d'hiver de Laura Kasischke, sombre et glaçant... Après l'avoir terminé, j'ai relu plusieurs fois la dernière page tant elle m'avait parue comme un uppercut ! Je vous en prie, si vous ne l'avez pas encore lu, ne vous aventurez surtout pas à aller voir la dernière page avant de le commencer !

Rooibos - Un livre qui t'a fait découvrir un autre pays que le tien...
Haruki Murakami m'a fait découvrir le Japon et Camilla Läckberg la Suède ! Ce ne sont absolument pas les mêmes univers mais j'ai beaucoup aimé les deux !

Chaï - Un livre de ta PAL que tu sûr(e) d'aimer avant même de l'avoir lu...
Soudain seuls d'Isabelle Autissier. J'admire cette femme qui est, non seulement une excellente navigatrice, mais également une formidable romancière. Son combat pour la défense de la planète me touche également beaucoup. Je vais très prochainement la voir lors d'une conférence sur mon lieu de travail...

Darjeeling - Une pépite que tu aimes tellement que tu la recommandes à tout le monde...
L'orangeraie de Larry Tremblay. Ce livre m'a bouleversée et profondément émue.

Oolong - Le genre livresque que tu considères comme ton péché mignon...
Je suis plutôt attirée par les romans contemporains français mais j'aime également les biographies et les romans étrangers. A vrai dire, j'aime un peu tout !

Ginseng - Un livre qui t'a fait sortir d'une panne livresque...
Je n'ai jamais eu de panne livresque ! Il y a bien trois livres dans ma vie que je n'ai pas pu poursuivre (et j'en ai déjà parlé), mais rien qui ne me procure une quelconque panne ! Je pense plutôt que je n'étais moi-même pas en phase avec ces lectures au moment où je les ai tentées !

Camomille - Un livre qui t'a endormi et que tu n'as pas pu finir...
J'en arrive donc à Belle du Seigneur d'Albert Cohen, mais comme je l'ai déjà dit, je pense que ce n'était pas le moment idéal pour le lire, et j'ai bien envie de m'y replonger ! Vous savez, c'est comme certains films, selon le moment où vous les regardez, ça passe ou ça casse !

Thé au jasmin - Un livre qui t'a chamboulé mais que tu n'as pas pu reposer avant de l'avoir fini...
Cf. question Darjeeling ! L'orangeraie que j'ai lu d'une traite sans m'arrêter : chamboulée, bouleversée... un livre qu'on ne peut pas lâcher.

Thé vert Matcha - Le livre que tu considères comme le joyeux de ta bibliothèque...
Un Philippe Delerm bien sûr : La première gorgée de bières et autres plaisirs minuscules !


samedi 17 octobre 2015

Le roi disait que j'étais diable - Clara Dupont-Monod




De son balcon du domaine de l'Ombrière, la toute jeune Aliénor d'Aquitaine, robe colorée et cheveux défaits contemple son fief bordelais.
Aliénor est fougueuse et éprise de liberté. Elle chérit ses terres d'Aquitaine et du Poitou ainsi que ses gens et aime par-dessus tout la musique et les poèmes des troubadours qui chantent l'amour courtois. Son grand-père Guillaume de Poitiers fut d'ailleurs le premier troubadour connu.

Mais Aliénor va être arrachée à tout cela lorsque le Roi de France, Louis VII viendra la demander en épousailles. Une nouvelle vie terne et sans saveur attend la jeune reine qui refusera de se donner à son époux qu'elle trouve falot et sans ambition. Il est vrai que Louis n'était pas destiné à régner sur le royaume de France. Sa vocation était d'être religieux mais il a bien du s'asseoir sur le trône royal à la mort de son frère.

Aliénor s'ennuie à mourir et devient méprisante et orgueilleuse envers son époux. Elle brûle de prendre les décisions qui s'imposent pour le royaume. C'est enfin une aventure excitante qui s'offre à elle lorsque, coeurs pieux et bannières au vent, la moitié du peuple s'en va croiser en Terre Sainte. Enfin de l'aventure, de la découverte : Antioche, Constantinople, Jérusalem, Damas...
Malheureusement, le roi s'obstine dans ses erreurs stratégiques et leur relation se délite, d'autant plus qu'Aliénor est incapable d'offrir un héritier au trône, se contentant de donner naissance à deux filles : Marie et Alice (ou Alix).
Aigrie et sans amour pour cet homme qui n'était pas fait pour elle la téméraire, Aliénor fera annuler son mariage pour se remarier avec Henri Plantagenet, homme brutal et énergique et futur roi d'Angleterre.

C'est dans un récit à deux voix que nous entraîne Clara Dupont-Monod, faisant s'exprimer tour à tour le doux Henri et la tempétueuse Aliénor et mettant en avant la forte personnalité de cette dernière. Une facette de l'Histoire médiévale particulièrement intéressante et agréable à lire.

Le roi disait que j'étais diable car en ce temps-là, une femme se devait de rester à sa place et non de vouloir être fière et orgueilleuse et encore moins de vouloir s'amuser et chanter avec ses troubadours !


Le roi disait que j'étais diable - Clara Dupont-Monod
Grasset - 236 pages

jeudi 15 octobre 2015

Nouvelle expérience

Je fais désormais partie d'un club de lecture "virtuel" dans lequel des lectrices qui ne se connaissent pas mais partagent la même passion pour les livres, font une lecture commune d'un livre qui aura été choisi par vote.

Le livre qui a remporté le plus de suffrages est Tous nos jours parfaits de Jennifer Niven, un roman "jeune adulte" qui a l'air superbe ! J'avais personnellement voté pour un autre livre qui est dans ma LAL (Le coeur entre les pages), mais suis finalement ravie de ce choix que je ne connaissais pas. En avant pour cette lecture qui promet d'être, apparemment, particulièrement émouvante...


mercredi 14 octobre 2015

L'art du sleeveface

Késako ? Traduction littérale : pochette figure !

Le sleeveface est l'art de se photographier en posant avec (généralement), une pochette de disque représentant une partie de visage ou de corps, tout l'art étant de se mettre en scène en affichant la pochette devant son propre visage ou corps. Vous me suivez ?
Personnellement, je trouve l'idée astucieuse et amusante et j'aime particulièrement les sleevefaces réalisés avec des livres. Quand la plupart des personnes se prêtant à cet exercice, le font avec des pochettes de disques, le personnel de la Librairie Mollat à Bordeaux excelle quant à lui dans l'art de mettre en scène les couvertures de livres !

J'espère qu'ils ne m'en voudront pas de présenter ici quelques unes de leurs "oeuvres" à titre d'illustration. Elles sont particulièrement réussies et recherchées !












Source photos : https://instagram.com/librairie_mollat/

Et je profite de ce billet pour vous dire : Fréquentez les librairies !

lundi 12 octobre 2015

Flow



Voici un nouveau magazine "doudou", tout à fait réconfortant et qui met du baume au coeur dans la grisaille du quotidien !

Enfin quand je dis nouveau... Flow en est déjà à son 5ème numéro et je le découvre seulement maintenant mais je crois bien que je vais devenir accro ! C'est beau, c'est coloré, inspirant, créatif... Bref, on le feuillette et on le lit avec délectation tant les illustrations et les articles sont intéressants et attrayants. Tout se dévore comme une madeleine ou une meringue, ou un chou à la crème.... Enfin comme un petit plaisir de la vie !

J'ai dans ce numéro beaucoup apprécié les articles sur l'écriture, la librairie Shakespeare & Co, la psychologie positive, les petits plaisirs, et puis les petites étiquettes, et puis le livret d'écriture vous promettant 30 jours d'écriture sur soi... Enfin tout quoi !

Flow, je serai fidèle aux prochains rendez-vous, comptez sur moi !







dimanche 11 octobre 2015

Le plafond de verre se fissure dans le monde de l'édition !


Sans faire de bruit ni de vagues, les femmes bousculent peu à peu le monde jusqu'alors plutôt masculin de l'édition. Parties souvent du bas de l'échelle, elles en ont gravi les échelons un à un avant de s'installer aux postes clé de grandes maisons comme Gallimard, Casterman ou Stock. Leur jeunesse et leur dynamisme sont venus moderniser un univers qui était parfois un peu à dépoussiérer, osant même publier des écrivains "à risque" et faisant des choix audacieux. La précurseure (je féminise !) Teresa Cremisi devint ainsi la n° 2 de Gallimard à la fin des années 70 avant de devenir patronne des éditions Flammarion, amenant dans son giron Michel Houellebecq, Christine Angot ou encore Yasmina Reza.

Comme dans beaucoup d'autres domaines, le plafond de verre commence enfin à se fissurer, et pas forcément parce qu'il faille à tout prix nommer des femmes parce qu'elles sont femmes, mais parce qu'elles ont du talent !

jeudi 8 octobre 2015

Evariste - François-Henri Désérable


Sous une plume virevoltante, François-Henri Désérable romance la vie, courte certes, mais intense, du mathématicien Evariste Galois, duquel dira-t-on qu'il fut aux mathématiques ce que Rimbaud fut à la poésie.

Courte vie donc, puisqu'à 15 ans, il découvrit les mathématiques qu'il révolutionna à 18 ans avant de tomber, à 20 ans, non au champ d'honneur mais dans un pré, malheureux perdant d'un duel !

La courte histoire d'un génie des mathématiques pourrait paraître peu enthousiasmante et plutôt rébarbative. Erreur ! Malgré sa jeunesse (27 ans) et le fait qu'Evariste soit son premier roman, François-Henri Désérable réussit ce tour de force de captiver d'entrée de jeu son lecteur (ah, l'incroyable chapitre II sur la conception d'Evariste !) en utilisant une narration vive et enlevée, ne laissant aucun temps mort dans un récit palpitant, intégrant de manière cocasse, des passages historiques et faisant des envolées de phrases, usant et abusant du point-virgule généralement boudé en matière de ponctuation... (ouf, j'ai moi-même l'impression d'être virevoltante dans ma façon de décrire tout cela !).
On s'imaginerait presque Fabrice Luchini faisant une lecture théâtrale de ce livre !

Sa manière d'interpeler le lecteur en l'appelant "Mademoiselle", ou de l'inviter à mieux comprendre son personnage en se mettant dans "la peau" de son chapeau et donc d'être aux premières loges de l'histoire est également tout à fait originale !

En conclusion, Evariste est un incroyable roman biographique qui sort complètement des sentiers battus et qui a donc le mérite d'attraper le lecteur et de le plonger dans un récit sans ennui et sans temps mort, osant faire la part belle aux interpellations et intégrant au détour de l'une ou l'autre phrase très littéraire, le vocabulaire actuel !... Jubilatoire !

Mais au fait... quelle est cette grande révolution des mathématiques qu'il fit ? Heeuuu, une histoire de théorèmes je crois... mais en fait, là n'est pas la question !

Extraits :

"Vous connaissez l'Ancien Régime, sa partition millénaire, vous savez comment elle se joue : les nobles, qui ont les terres, ne font rien et font de l'argent ; le clergé, qui a le ciel, ne fait rien et fait de l'argent ; le tiers état, parce qu'on lui a promis dans l'autre vie le ciel du second, s'échine dans celle-ci sur les terres des premiers, fait tout, n'a rien, ne fait pas d'argent."

"En 1808, il a trente-trois ans, il est temps qu'il se trouve une femme. Elle en a vingt, il lui faut un mari. Il traverse la rue, son coeur bat : la possibilité d'Evariste surgit".

"[...] c'est là, sur la montagne Sainte-Geneviève, la seule qu'il fût à même de gravir, que Richard vit un jeune élève prénommé Evariste devenir Galois, de même qu'Izambard en classe de rhétorique à Charleville en vit un autre se prénommant Arthur devenir Rimbaud. La Montagne se refusait donc à lui, Richard, quand elle s'offrait à d'autres qui s'appelaient autrement, et parce qu'il savait qu'il n'en atteindrait jamais l'antécime (pas même l'antécime !), il établit son bivouac dans la vallée, où à défaut de placer ses pas dans les pas d'Evariste il lui prêta son modeste concours : s'il ne fut ni un guide ni même un porteur, un vulgaire coolie, il fut celui qui mit le piolet entre les mains de son élève, ce piolet auquel il s'était agrippé, vainement agrippé, et qui est tout à la fois la volonté farouche de se hisser jusqu'au sommet, l'assurance mâle d'y parvenir et le désir d'y rester."

Mon préféré (et d'ailleurs je ne dois pas être la seule car la page était cornée -emprunt médiathèque-) :

"Les sept pages sont là, sur le bureau, immaculées. Il s'assoit, inspire un grand coup. C'est le moment, mademoiselle, où le chef-d'oeuvre n'est qu'une hypothèse, où le miracle est sur le point d'avoir lieu ; ce moment où le tableau est encore sur la palette du peintre, la statue dans la pierre du sculpteur, le théorème dans l'esprit du mathématicien ; ce moment où Rembrandt pose un premier coup de pinceau sur cette toile encore blanche qu'on appellera Ronde de nuit, où le pic de Michel-Ange vient frapper pour la première fois ce bloc de marbre qui deviendra La Pieta ; où quittant les limbes de l'esprit d'Evariste, le fruit d'une intense réflexion de plusieurs mois vient s'incarner sur la feuille, noir sur blanc s'incarner pour donner aux mathématiques la clé de voûte d'une théorie qui va les révolutionner, rien de moins".

Et le clou :

"Or Pescheux était de nature belliqueuse : il le provoqua en duel. Evariste ne voulait pas se battre. Il avait d'autres projets que s'éteindre dans un misérable cancan. Il épuisa tous moyens d'accommodement, en vain : l'autre, poussé par l'oncle boutefeu, étant bien décidé à en découdre, il fallut céder à ses provocations, car l'honneur était en jeu, et l'honneur, chez un patriote, valait plus que la vie. Sur le pré, monsieur. Séance tenante et dans le sang. Voilà, peu ou prou, ce qu'il s'est passé. Qu'on se le dise, ce n'est pas un complot, mais une affaire de coeur qui fut la cause du duel, une querelle de bibus comme il y en avait tant, comme il y en a toujours (sauf qu'aujourd'hui ce n'est plus à l'aube et sur le pré que l'on règle ses différends : on poste des tweets assassins, on s'insulte sur Facebook, on divulgue des sextapes, bref, c'est online que désormais tout se joue).


Evariste, François-Henri Désérable
Gallimard - 165 pages

mardi 6 octobre 2015

J'aurai ta peau Dominique A - Arnaud le Gouëfflec et Olivier Balez


Bien qu'il soit (à mon humble avis), un immense chanteur français, Dominique A n'est pas vraiment ce que l'on appelle un chanteur populaire. C'est pourquoi son entourage est étonné, puis croit à une farce de mauvais goût lorsqu'il reçoit la lettre d'un corbeau le menaçant, de quelques lettres découpées et collées : "J'aurai ta peau Dominique A"...
Qui peut bien lui en vouloir ? Son manager lui conseille d'ignorer ce bout de papier et son ami Philippe Katerine décide de lui changer les idées en le sortant ! 
C'est sans compter sur la menace qui pèse réellement sur le chanteur... Non, tout cela n'est pas une blague et quelqu'un lui en veut vraiment. Est-ce ce fan trop pressant qui fait tout pour être le sosie de son idole ?
La question demeure : qui peut bien en vouloir à un chanteur sans histoire et plutôt discret dans le paysage artistique français ?

J'ai beaucoup aimé cette bande dessinée mettant en scène dans une situation complètement improbable, l'un de mes chanteurs favoris ! Lui-même ayant écrit la préface de l'album, avoue que cela lui a fait tout drôle ! Et il y a de quoi ! L'intrigue est finalement bien amenée et, allez, on peut le dire... tout est, heureusement, bien qui fini bien, car les gentils s'en sortent toujours ;-) Et puis les illustrations sont belles, tantôt sombres, tantôt chatoyantes, mettant en avant plutôt le rouge et le vert :




Je profite de ce billet pour vous inviter à découvrir, si vous ne le connaissez pas encore, cet immense artiste à la carrière talentueuse et encore trop méconnu je trouve.

dimanche 4 octobre 2015

Lâcher prise - Miriam Katin


Juive hongroise, Miriam a fuit l'holocauste dans les bras de sa mère alors qu'elle n'était encore qu'une toute petite fille. Installée désormais depuis fort longtemps aux Etats-Unis, elle tente d'ignorer de manière quasi obsessionnelle tout ce qui touche au pays ennemi, l'Allemagne. Son monde s'écroule le jour où son fils lui annonce qu'il va vivre à Berlin et lui demande de remplir des papiers lui permettant d'obtenir la nationalité hongroise qui facilitera son installation en Europe. Miriam qui fait tout pour oublier le traumatisme du nazisme puis, du communisme, refuse catégoriquement avant de finalement céder par amour pour son fils.
Elle s'envole finalement pour Berlin afin de rendre visite à son fils et sa compagne et découvre une Allemagne bien évidemment à mille lieues du cruel Etat qui a tant fait souffrir les siens. Elle va pourtant somatiser tout cela, et c'est son corps qui lui rappellera à quel point ce séjour n'est pas anodin pour elle. Et alors qu'elle y retournera quelques mois plus tard pour un vernissage dont elle est à l'honneur, son corps manifestera à nouveau son mal-être... Son corps ou autre chose ?

Une autobiographie graphique aux illustrations pastel et tout en douceur pour une histoire touchante sur le souvenir et les racines... D'autant plus touchante quand l'Histoire a malmené sa famille et sa vie. Une histoire malgré tout teintée d'humour, faisant la part belle à l'amour de la vie !



samedi 3 octobre 2015

Aucun souvenir de Césarée - Marie-Ange Guillaume



Accompagnée de deux amis, Marie-Ange disperse dans la Loire les cendres de sa mère décédée...

"La copine murmure "y a plus moche comme sépulture". On rit, on pleure, serrées l'une contre l'autre sur ce pont de l'Europe. Ma mère, c'est fini."

Marie-Ange Guillaume va alors revenir sur l'histoire de ses parents, tous deux désormais disparus et sur sa propre histoire. C'est en découvrant des cahiers dans lesquels sa mère (et parfois même son père) a consigné plus ou moins régulièrement les faits marquants de sa vie que Marie-Ange se pique d'écrire à son tour l'histoire de cette famille atypique dans laquelle elle a grandit. Et c'est avec une sincérité touchante qu'elle livre sans fards l'histoire tout à fait personnelle de la relation de ses parents, de son enfance, son adolescence, saupoudrant le tout de ses propres souvenirs et plus particulièrement de la fin de vie de sa mère dont elle semble paradoxalement lointaine et pourtant si proche et aimante.

Ce livre émouvant nous plonge dans une étude quasi sociologique du milieu de l'auteure et aborde les relations mère-fille de manière extrêmement touchante. J'ai beaucoup aimé la construction du récit qui démarre et se termine par le décès de la maman... Un je ne sais quoi d'Annie Ernaux entre ces pages profondes et vives, une écriture tranchée et drôle malgré le sérieux du sujet... Une belle lecture !


Extrait :
"Tout le monde me suggérait de changer de genre. En résumé, ça disait : "Tu comprends cocotte, tu vends bien, surtout à tes copains et tu as beaucoup de copains, c'est vrai. Mais ça suffit pas, tes petites histoires au ras du bitume. Il faut t'ouvrir l'horizon, arrêter de te scanner le nombril. Ce qu'ils veulent, c'est un vampire qui fait son coming out dans un château venteux, ou un amour torride interrompu par une vacherie de cancer du côlon (celui qui est sympa quand on le prend à temps), ou un pavé de huit cents pages avec des écureuils dans le titre -mais c'est déjà pris-, ou, encore mieux, l'histoire d'une fille dans le coma kidnappée par son jules mais c'est déjà pris aussi par un mec qui vend quinze millions d'exemplaires dans le monde -ce qui prouve que ça marche, merde ! Alors barre-toi au bout du monde, trouve-toi un bungalow sous une saloperie de cocotier au bord du Pacifique, oublie tes petits machins et écris-le, ce putain de roman !" Voilà ce que ça disait, en gros. Donc, j'étais en train de ruminer une vague idée de roman sympa et fédérateur, sans pour autant envisager le déménagement sous les cocotiers, et puis voilà que ma mère s'en est allée."

Quant à la signification du titre, la quatrième de couverture l'explique très bien :

De son enfance, elle a tout oublié sauf la peur et l'ennui coriace. De ses vingt ans, elle a tout oublié sauf son absence au monde. Elle a même oublié Césarée, la ville en ruine qu'elle déclarait « inoubliable » dans une lettre envoyée à sa mère. Elle a juste retenu le vers de Racine, « Je demeurai longtemps errant dans Césarée ». Heureusement, sa mère a écrit un journal où elle raconte ce qu'elles ont vécu ensemble, avec et sans le père. Sa mémoire c'était sa mère, et elle vient de la perdre...


Aucun souvenir de Césarée, Marie-Ange Guillaume
Le Passage, 190 pages