Au printemps 1922, une poignée d'Américains en provenance d'Hollywood, s'installe à Nahbès, ville imaginaire d'Afrique du Nord, pour y tourner une superproduction, Le guerrier des sables. L'installation durable de ces conquérants américains va quelque peu bouleverser la vie tranquille des prépondérants colons et des locaux arabes. Entre histoires d'amour, jalousies et autres conflits interculturels, le narrateur nous livre le quotidien d'un bel échantillonnage de ces personnages et nous emmène avec eux des sables du désert à Berlin en passant par le tourbillon parisien et la "bancale" Alsace de l'époque ! L'Europe des années 20 est alors sous tension mais la vie de nos protagonistes suit son cours malgré leurs extrêmes différences et parfois dissensions. Tous tentent de s'apprivoiser, s'adapter, s'aimer, se révolter ou se haïr dans un monde qui va bientôt basculer.
Hédi Kaddour a reçu pour ce roman, le prix des lecteurs Gallimard 2015 dont j'ai fait partie ! Je n'avais pas voté pour lui mais après la lecture de ce troisième roman de l'auteur, je reconnais qu'il était amplement mérité. Sa plume très littéraire nous transporte dans une fiction de haute-volée où l'imaginaire tutoie le réel !
Petit extrait que je me devais de souligner puisqu'il décrit la belle cathédrale de Strasbourg (je suis strasbourgeoise d'adoption) :
[...] "on va prendre la rue à gauche". Il avait laissé Raouf et les deux femmes passer devant lui et ce fut le même choc brutal, à quelques dizaines de pas devant eux, fermant la rue qu'ils venaient d'emprunter, cent quarante mètres de cathédrale lancés vers le ciel sombre, avec des flocons qui tombaient sur les cils quand on regardait, l'énorme portail, les deux tours, la flèche à gauche, les pierres roses et la neige qui dansait dans les appels d'air le long de la façade, à la lumière d'un projecteur, Raouf était bouche bée. "Aspiré vers le haut ? avait demandé Ganthier. - Magnifique, avit dit Raouf, et purement esthétique, comme vous. - Rien d'autre ? - Non, comme vous... enfin... comme vous aujourd'hui".
Et cette belle tirade sur la prépondérance :
[...]"C'est parce que les Français ils disent qu'ils ont la prépondérance - c'est quoi la prépondérance ? - c'est quand tu prépondères - qu'est-ce que ça veut dire ? - c'est quand tu as les mitrailleuses et les Sénégalais - les Français ils disent tu es prépondérant quand tu es plus civilisé - plus civilisé ? Le poulet, chez eux, comme des cochons ils le bouffent - et les tueurs, avec les beaux habits, ils sont prépondérants aussi ? - Kathryn dit que le noble il vient de dire qu'il tue ceux qui sont pas civilisés - André il est pas civilisé ? - yahyia André ! - prépondérant les Français ils disent que c'est quand tu es en avance - alors les Américains il prépondèrent les Français ? - André aussi il est devenu très fort avec l'épée, tous les jours il tue un ou deux riches - bientôt il reste plus que les pauvres"
Les prépondérants - Hédi Kaddour
Gallimard - 460 pages
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