Ces cahiers de jeunesse couvrant 5 des jeunes années (18 à 22 ans) de Simone de Beauvoir sont en quelque sorte le journal intime de celle qui deviendra le Castor de Sartre et la célèbre auteure du Deuxième Sexe. Un journal qui nous apprend beaucoup sur la volonté de Simone de Beauvoir de s'épanouir amoureusement et intellectuellement. Sa soif d'apprendre et son appétit de connaissances la poussent à étudier comme une acharnée, à se nourrir de culture, de littérature, de musique, d'art, mais aussi de sciences et mathématiques. Elle va d'ailleurs "se chercher" durant quelques mois, chercher comment développer sa personnalité, chercher ce qui pourrait rendre sa vie passionnante. Elle finira, à la faveur d'un été, par décider d'écrire et d'apprendre, cet instant, elle l'appellera "sa naissance". L'aspect étonnant de ses souvenirs, lorsque l'on sait la féministe qu'elle est devenue, concerne l'amour entier et dévoué qu'elle vouait à son cousin Jacques. La jeune Simone de 17 ans et des quelques années suivantes, était persuadée qu'elle allait épouser ce cousin tant aimé, fonder une famille et avoir des enfants ! L'on en apprend également beaucoup sur sa découverte de l'amitié, et notamment sur l'amitié masculine, celle qu'elle développera notamment avec Merleau-Ponty. Et puis sa rencontre avec Sartre... Ces mémoires nous montrent également qu'à à peine 18 ans, cette jeune fille avait déjà une très haute estime d'elle-même, ce qui peut lui donner un petit côté insupportable et met en lumière un manque d'humilité... à moins qu'à l'inverse, cela ne soit une manière de masquer ses doutes ? En tout cas, elle analyse et décortique tout avec une acuité et une pertinence hors du commun.
Un très complet, beau et extraordinaire document sur les jeunes années d'une grande figure de la littérature et de la philosophie française, que nous devons à sa fille adoptive, Sylvie le Bon de Beauvoir qui a fait publier ces cahiers.
Extrait écrit alors qu'elle avait à peine 18 ans :
"Je suis trop intelligente, trop exigeante et trop riche pour que personne puisse se charger de moi entièrement. Personne ne me connaît ni ne m'aime tout entière. Je n'ai que moi.
Il ne faut pas que j'essaie de tromper cette solitude en renonçant à ce que je peux seule porter. Il faut que je vive, sachant que personne ne m'aidera à vivre. Ma force, c'est que je m'estime aussi haut que n'importe quel autrui ; je peux bien envier à l'un ou l'autre telle qualité ; de personne la valeur ne me semble dépasser la mienne : je possède autant. Seule je vivrai, forte de ce que je sais être."
Cahiers de jeunesse (1926-1930) - Simone de Beauvoir
Gallimard - 845 pages
Quelle photo bien choisie!
RépondreSupprimerEst-elle de vous, comme je le crois?
La citation aussi, qui reflète quelque chose d' "ultra-vif" chez cette personne qui deviendrait volontairement personnage ; comme vous l'exprimez, l'acidité le dispute au piquant, la volonté de briller à la ténacité. Une affirmation de soi qui irait jusqu'à infirmer autrui, incapable par principe...?
Pourtant, le groupe semble avoir tenu une très grande importance dans toutes les facettes de sa vie.
Mais je ne connais pas assez bien ses écrits. Je suis beaucoup restée focalisée sur sa voix, son débit cadencé, son ton professoral, je l'ai écoutée comme si je la lisais. Avec satisfaction la plupart du temps, plaisir pas toujours. Un adjectif peu employé aujourd'hui me revient : je la trouvais docte, sans la moindre ironie de ma part.