Alors qu'Histoire de la violence vient d'être récemment publié, je me suis enfin décidée à lire le premier roman d'Edouard Louis. Ce livre, bien qu'étant paru sous le genre "roman" et sensé donc être une fiction, semble largement autobiographique et nous plonge dans la misère sociale et culturelle du Nord de la France. Ce serait presque une étude de moeurs : l'auteur, sous son vrai nom Eddy Bellegueule, nous livre sans chichis ni tabous, son enfance et son adolescence au sein d'une famille défavorisée, mais pas que. Il aborde surtout le délicat sujet de son homosexualité dont il a eu conscience relativement jeune et qui lui a valu moqueries et violences quotidiennes, y compris au sein de sa propre famille dans laquelle les hommes sont de gros durs et certainement pas des pédés. Mais Eddy n'est pas un garçon comme les autres. Il encaisse les coups, digère les injures, se remet en question, analyse son comportement, teste sa sexualité pour finalement faire le choix de n'être que lui et de fuir cette vie qui ne pourra être la sienne...
Un roman touchant mais parfois dur, un peu trash sur la fin mais qui dépeint tellement cette triste réalité qu'est la misère sociale qu'on ne peut qu'en être bouleversé. On sent bien, sous la plume de l'auteur, qu'il a effectivement, de grandes et belles choses à réaliser et qu'il a bien fait de fuir cet environnement. On ne peut s'empêcher de penser "au moins un qui s'en est sorti" ! Ce qui m'a frappé dans ce récit, c'est qu'il se déroule dans les années 1990-2000 mais l'absence de modernité est si prégnante que l'on se croirait dans les années 70 !
Extraits :
"Plusieurs fois par mois, ma mère m'autorisait à ne pas y aller [au collège] afin que je puisse la suppléer dans ses tâches ménagères Demain tu vas pas à l'école mais tu m'aides à nettoyer la maison, parce que j'en ai marre d'astiquer tout le temps, de tout faire ici. J'en ai marre d'être l'esclave dans cette baraque. Elle m'autorisait à ne pas y aller si j'aidais mon père à couper du bois pour l'hiver et à stocker les bûches dans un hangar conçu spécialement à cet effet par lui et mon oncle [...]
"[...] La gêne qu'éprouvait ma mère (je dis la gêne pour ne pas répéter une fois de plus la honte, mais c'est bien ce dont il s'agissait) quand je lui demandais pourquoi elle et mon père ne mettaient pas de moquette sur le sol Tu sais on aimerait bien mettre de la moquette, on va peut-être le faire. C'était faux. Mes parents n'avaient pas les moyens de l'acheter, ni même l'envie de le faire. L'impossibilité de le faire empêchait la possibilité de le vouloir, qui à son tour fermait les possibles. Ma mère était enfermée dans ce cercle qui la maintenait dans l'incapacité d'agir sur elle-même et sur le monde qui l'entourait [...]"
En finir avec Eddy Bellegueule - Edouard Louis
Seuil - 220 pages
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