vendredi 1 juillet 2016

L'arbre du pays Toraja - Philippe Claudel


Voici, encore une fois, un petit bijou de Philippe Claudel !
L'auteur part d'une tradition funéraire tout à fait exceptionnelle, belle, poétique et touchante, pour nous conter le décès de son meilleur ami Eugène et à travers ce bouleversant événement, faire une introspection de sa propre vie... Où comment, par le deuil, trouver un sens à sa vie. Dès les premières lignes, j'ai été happée par l'histoire et n'ai pu lâcher ce roman tendre et émouvant dans lequel l'auteur se livre sans tabous et vogue à travers ses souvenirs. De manière très attachante, il nous convie à ses réflexions sur la vie, la mort, l'amour et nous fait partager ses doutes et interrogations. Un peu ésotérique, un peu philosophique, mais sous une plume simple et belle, L'arbre du pays Toraja est finalement une magnifique ôde à la vie !

Extraits qui m'ont particulièrement touchée parce que j'ai souvent été confrontée à la mort de proches par la maladie et parce que j'ai perdu un enfant :

"Près d'un village du pays Toraja situé dans une clairière, on m'a fait voir un arbre particulier. Remarquable et majestueux, il se dresse dans la forêt à quelques centaines de mètres en contrebas des maisons. C'est une sépulture réservée aux très jeunes enfants venant à mourir au cours des premiers mois. Une cavité est sculptée à même le tronc de l'arbre. On y dépose le petit mort emmailloté d'un linceul. On ferme la tombe ligneuse par un entrelacs de branchages et de tissus. Au fil des ans, lentement, la chair de l'arbre se referme, gardant le corps de l'enfant dans son grand corps à lui, sous son écorce ressoudée. Alors peu à peu commence le voyage qui le fait monter vers les cieux, au rythme patient de la croissance de l'arbre."

"Je me demande à ce propos si la maladie quand elle nous frappe peut être considérée comme une porte que nous lui ouvrons, intentionnellement ou non. En d'autres termes, est-il envisageable que nous tombions malades lorsque nous acceptons de laisser prendre une place de plus en plus grande à la mort, que nous l'invitions en quelque sorte à nous envahir, à s'installer en nous, alors qu'auparavant, nous avions tout fait pour la circonscrire au-delà d'un périmètre qui nous paraissait être le seul champ possible de notre existence  ?"

"Lorsqu'on me demande si j'ai des enfants, je réponds que non, et je dis la vérité. Et si on me demandait si j'ai eu des enfants, je dirais encore une fois que non, et là aussi je dirais la vérité. Mais si on pose la question à Florence, elle répondra que oui, elle a eu une fille, Agathe, mais qu'elle est morte. Qu'elle aurait vint-deux ans désormais. Qu'elle serait une jeune femme. Et Florence dira aussi la vérité, car, contrairement à moi, Florence l'a fait grandir en elle. Comme l'arbre du pays Toraja, elle a continué au fil des années à faire croître son enfant au profond d'elle. Son corps de femme s'est empli de la présence du petit corps mort qu'elle n'a jamais vraiment enterré mais qu'elle a accueilli à demeure, dans sa maison intérieure et dans sa vie, le modelant selon les ages, l'épanouissant en une fillette rieuse puis une jeune fille éternelle et idéale, qui a pris tant de place.


L'arbre du pays Toraja - Philippe Claudel
Stock - 209 pages

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